vendredi 11 novembre 2011

L'entité réelle de tous les phénomènes

Aussi connu sous son nom japonais : Shohô Jissô shô.
Ce traité sous forme de lettre a été adressé à Sairen-bô. Elle a été écrite à Ichinosawa, en exil sur l'île de Sado, le 17 mai 1273.

Question : Il est dit au chapitre Hôben (Moyens), dans le premier volume du Sûtra du Lotus : "L'entité réelle de tous les phénomènes ne peut être comprise et partagée que par des bouddhas. Cette réalité consiste en l'apparence, la nature...et leur cohérence du début jusqu'à la fin." (dix modalités) Quel est le sens de ce passage ?
Réponse : Il signifie que tous les êtres et leur environnement dans chacun des Dix Etats, du plus bas, l'état d'enfer, au plus élevé, l'état de bouddha, sont tous sans exception les manifestations de Myôhô Rengué Kyô. S'il y a environnement la vie s'y trouve nécessairement. Miao-lo déclare : La vie (shôhô) aussi bien que son environnement (ehô) sont toujours des manifestations de Myô Hô Rengué Kyô." Il dit encore : "L'entité réelle se révèle immanquablement dans tous les phénomènes, et tous les phénomènes possèdent immanquablement les Dix Modalités. Les Dix Modalités opèrent immanquablement dans les Dix Etats et les Dix Etats caractérisent immanquablement à la fois la vie et son environnement." Et : "La vie et l'environnement de l'enfer sont contenus tous deux dans la vie du Bouddha. Par ailleurs, la vie et l'environnement du Bouddha ne transcendent pas la vie des personnes ordinaires." Des explications aussi précises ne permettent aucun doute. Ainsi, toute vie dans l'univers est clairement Myô Hô Rengué Kyô. Même les deux bouddhas, Shakyamuni et Tahô (Maint-Trésor), sont les fonctions de Myô Hô Rengué Kyô qui apparurent pour dispenser à l'humanité les bienfaits de cette Loi. Ils prirent la forme des deux bouddhas et, assis côte à côte dans la Tour aux Trésors, marquèrent leur accord en hochant la tête.
Nichiren est le seul à avoir jamais enseigné une telle doctrine. T'ien-t'ai, Miao-lo et Dengyô la connaissaient dans leur coeur mais ils ne le proclamèrent pas à voix haute. Il y avait des raisons à leur silence : le Bouddha ne leur avait pas confié cette mission, le temps n'était pas encore venu et ils n'avaient pas été les disciples du Bouddha dans un très lointain passé. Seuls, Jôgyô, Muhengyô, et les autres guides des bodhisattvas sortis de la terre peuvent apparaître dans les cinq cents premières années des Derniers Jours de la Loi pour propager les cinq caractères de Myô Hô Rengué Kyô. Eux seuls sont qualifiés pour inscrire l'objet de vénération qui matérialise la cérémonie au cours de laquelle les deux bouddhas s'assirent côte à côte dans la Tour aux Trésors. Car cette Loi et l'objet de vénération sont tous deux la concrétisation du principe d'Ichinen sanzen révélé dans le chapitre Juryô (Durée de la vie) de l'enseignement essentiel.
Les deux bouddhas Shakyamuni et Tahô (Maint-Trésor) ne sont que des fonctions du bouddha originel, tandis que Myô Hô Rengué Kyô est le bouddha originel. C'est ce que le sûtra appelle "le secret du tathagata et son mystérieux pouvoir." (Sûtra du Lotus, Chap 16). "Le secret" désigne l'entité des Trois Corps du Bouddha et "son mystérieux pouvoir", leurs fonctions. L'entité est le bouddha originel et la fonction, un bouddha transitoire. On a cru que Shakyamuni était un être doté des Trois Vertus de souverain, maître et parent pour notre bien à nous, simples mortels, mais au contraire , c'est le simple mortel qui le dota de ces Trois Vertus.
T'ien-t'ai définit ainsi le Tathagata : "Nyoraï est le titre que l'on donne aux bouddhas des dix directions et des trois phases de la vie (passé, présent, futur), aux deux bouddhas, aux trois bouddhas et à tous les bouddhas, originel et transitoires". Ici, ce qu'on appelle "bouddha originel" est un simple mortel tandis que le terme de "bouddhas transitoires" s'applique au Bouddha. Il y a pourtant une différence très nette entre un bouddha et un simple mortel car un simple mortel est dans l'illusion alors qu'un bouddha est éveillé. Un simple mortel ne parvient pas à saisir qu'il possède lui-même à la fois l'entité et la fonction des Trois Corps du Bouddha.
"Tous les phénomènes" dans le Sûtra désigne les Dix Etats. La réalité (shoho jisso) est un autre nom pour Myô Hô Rengué Kyô ; par conséquent, Myô Hô Rengué Kyô est manifeste dans tous les phénomènes. L'enfer se reconnaît à ses caractéristiques infernales ; c'est la réalité de l'état d'enfer. Si, à leur place, apparaissent les caractéristique de l'état d'avidité, ce n'est plus l'état d'enfer. Un bouddha représente la réalité d'un bouddha et un simple mortel, celle d'un simple mortel. Tous les phénomènes sont en eux-mêmes des manifestations de Myô Hô Rengué Kyô. C'est ce que signifie "tous les phénomènes révèlent l'entité réelle." T'ien t'aï déclare : "Le principe profond de "l'entité réelle" est la Loi originelle de Myô Hô Rengué Kyô." Selon cette explication, "l'entité réelle" correspond aux enseignements théoriques et "la Loi originelle de Myô Hô Rengué Kyô" correspond à l'enseignement essentiel. Vous devriez méditer profondément ce passage.
Bien que peu digne d'un tel honneur, Nichiren fut néanmoins le premier à propager la Loi merveilleuse transmise au bodhisattva Jôgyô pour qu'il la répande à l'époque des Derniers Jours de la Loi. Nichiren fut aussi le premier à inscrire le Gohonzon, matérialisation du bouddha d'un passé très lointain révélé par le chapitre Juryô de l'enseignement essentiel, du bouddha Tahô dont l'apparition est décrite dans le chapitre Hôtô (Tour au Trésors) de l'enseignement théorique, et des bodhisattvas sortis de la terre que l'on voit apparaître dans le chapitre Yujutsu (Sortis de terre). On peut haïr Nichiren mais on ne peut nier la réalité de son éveil.
Aussi, avoir exilé Nichiren dans cette île lointaine est un crime impossible à expier, même au cour d'innombrables éons. On peut lire, dans le chapitre Hiyu : "Un éon ne suffirait pas pour expier la gravité de ce crime." Par ailleurs, en faisant des offrandes à Nichiren et en devenant son disciple, on obtient des bienfaits que même la sagesse du bouddha ne peut mesurer. On lit dans le chapitre Yakuô : "Même la sagesse du Bouddha est incapable d'en évaluer l'étendue."
Nichiren seul commença à accomplir la tâche des bodhisattvas sortis de la Terre. Il se pourrait même qu'il soit l'un d'entre eux. Et s'il est du nombre de ces bodhisattvas sortis de la Terre, ses disciples doivent en faire partie aussi. Il est dit dans le chapitre Hosshi : "Si quelqu'un, homme ou femme, enseigne secrètement à une autre personne, ne serait-ce qu'une seule phrase du Sûtra du Lotus, que l'on sache qu'il est l'envoyé du Bouddha, venu pour accomplir l'oeuvre du Bouddha." Qui d'autre que nous cela pourrait-il désigner ?
Lorsque quelqu'un reçoit de grands compliments, rien ne lui semble trop difficile à accomplir. Tel est le pouvoir des mots d'encouragements. Le Pratiquant né à l'époque des Derniers Jours de la Loi qui propage le Sûtra du Lotus rencontrera les Trois Grands Ennemis, qui provoqueront son exil et même sa condamnation à mort. Pourtant le bouddha Shakyamuni couvrira du manteau de sa bienveillance ceux qui persévéreront dans la propagation. Toutes les divinités leur feront des offrandes, les épauleront et les porteront sur leur dos. Ils possèdent la bonne fortune suprême et pourront servir de guides à tous les êtres humains. Ainsi, soutenu par les bouddhas Shakyamuni et Tahô, tous les autres bouddhas et bodhisattvas, les sept catégories de divinités célestes et les cinq catégories de divinités terrestres, Kishimojin et ses dix filles, les Quatre Rois du Ciel, le roi Emma, les divinités de l'eau et du vent, celles des mers et des montagnes, le bouddha Dainichi, les bodhisattvas Fugen et Monju, et les divinités du Soleil et de la Lune, Nichiren a pu endurer d'innombrables et cruelles épreuves. Celui don on vante les qualités n'hésite pas à prendre tous les risques mais quand il est critiqué, il peut courir inconsidérément à sa propre perte. Les simples mortels sont ainsi faits.
En toutes circonstances, conservez la foi d'un pratiquant du Sûtra du Lotus et efforcez-vous d'être un disciple de Nichiren tout au long de votre vie. Si vous avez le même esprit que Nichiren, vous devez être un bodhisattva sorti de la Terre, et, puisque vous êtes un bodhisattva sorti de la Terre, il ne fait aucun doute que vous êtes un disciple du Bouddha depuis le passé infiniment lointain. Il est écrit dans le chapitre Yujutsu : "Je leur enseigne depuis le passé le plus lointain." Ils ne faut pas faire de discrimination entre ceux qui propagent les cinq caractères de Myôhô Rengué Kyô, qu'ils soient hommes ou femmes, dans la période des Derniers Jours de la Loi. S'ils n'étaient pas des bodhisattvas sortis de la Terre, ils ne pourraient pas réciter Daïmoku. Au commencement, moi seul, Nichiren, ai récité Nam Myôhô Rengué Kyô. Puis deux, trois, cent personnes ont suivi, le récitant et le transmettant aux autres. C'est également ce qui se passera dans l'avenir.
N'est-ce pas là le sens de "sortis de la Terre" ? A l'époque de kôsen-rufu, toute la population du Japon récitera Nam Myôhô Rengué Kyô, aussi infailliblement qu'une flèche pointée vers la terre ne peut manquer sa cible. Pour le moment, faites-vous respecter en tant que pratiquant du Sûtra du Lotus et consacrez lui votre vie. Les bouddhas Shakyamuni et Tahô (Maint-Trésor), assis dans la Tour aux Trésors, lors de la Cérémonie dans les Airs, entourés de tous les autres bouddhas et bodhisattvas, hochèrent la tête pour exprimer leur accord. Et ce qu'ils décidèrent alors fut uniquement de faire prospérer la Loi à l'époque des Derniers Jours.
Le bouddha Tahô (Maint-Tresor) offrit a Shakyamuni de partager son siège et, déroulant la bannière de Myôhô Rengué Kyô, c'est ensemble que les deux guides de cette multitude prirent leur décision. Pourraient-ils s'être tropmpés si peu que ce soit ?
Leur but ultime, ense réunissant, était de nous permettre à nous, simples mortels, d'atteindre la boddhéité. Même si je n'étais pas dans l'assistance, si l'on se réfère aux phrases du Sûtra, c'est d'une clarté limpide. D'ailleurs, je me trouvais peut-être à cette cérémonie, mais comm je ne suis qu'un simple mortel, il n'est pas en mon pouvoir de connaître le passé. Cependant, je suis sans aucun doute le Pratiquant du Sûtra du Lotus dans cette vie-ci ; je pourrai donc de façon certaine atteindre le siège de l'éveil à l'avenir. Jugeant le passé de ce point de vue, je dois avoir été présent à la Cérémonie dans les Airs. Il ne peut y avoir de rupture entre le passé, le présent et le futur.
Parce que je suis convaincu de cela, je ressens une joie sans limite, malgré mon exil présent. On verse des larmes dans la joie comme dans la peine. Les larmes expriment notre émotion devant les bienfaits comme devant l'infortune. Les mille arhats pleurèrent en souvenir du Bouddha disparu, et c'est en larmes que le bodhisattva Monju récita Myô Rengué Kyô. Parmi les mille arhats, le vénérable Ananda lui répondu en larmes : "Ainsi ai-je entendu". Après quoi les larmes de tous les autres tombèrent dans leur encrier et ils écrivirent Myôhô Rengué Kyo suivi de "Ainsi a-je entendu". Maintenant, moi, Nichiren, je ressens la même émotion. C'est parce que je propage l'enseignement de Myôhô Rengué Kyô que je me trouve actuellement en exil. Je propage cet enseignement parce que, moi aussi, "j'ai entendu ainsi". Les bouddhas Shakyamuni et Tahô (Maint-Trésor) ont légué Myôhô Rengué Kyô au peuple japonais et à toute l'humanité dans l'avenir.
Je ne peux contenir mes larmes quand je pense à la grande persécution à laquelle je suis actuellement confronté, ou quand je me représente la joie d'atteindre la boddhéité à l'avenir. Les oiseaux crient mais ne versent pas de larmes. Moi, Nichiren, je ne me lamente pas, mais mes larmes ne cessent de couler. Ce n'est pas pour les affaires de ce monde que je pleure, mais seulement pour la cause du Sûtra du Lotus. Ce sont sans doute des larmes d'amrita. Il est dit, dans le Sûtra du Nirvana, que l'on a beau verser, au cours de ses multiples existences, à la mort de ses parents, frères, soeurs, femmes, enfants et entourage, plus de larmes qu'il n'y a d'eau dans les quatre océans, on a toujours pas versé une seule larme pour la Loi bouddhique. On devient un adepte du Sûtra du Lotus grâce à sa pratique dans les existences passées. Ce sont des liens karmiques qui déterminent, parmi tant d'arbre de la même espèce, ceux qui seront sculptés à l'image du Bouddha. C'est également en raison du karma que certains bouddhas naissent sous la forme de bouddhas transitoires.
Dans cette lettre, j'ai écrit mes enseignements les plus importants. Saisissez leur signification et faites-en une partie intégrante de votre vie. Croyez dans le Gohonzon, objet de vénération suprême en ce monde. Forgez-vous une foi forte et recevez la protection de Shakyamuni, de Tahô (Maint-Trésor) et de tous les autres bouddhas. Exercez-vous dans les deux voies de la pratique et de l'étude. Sans pratique ni étude, il ne peut y avoir de bouddhisme. Vous devez non seulement persévérer vous-même, mais également enseigner aux autres. La pratique et l'étude proviennent toutes deux de la foi. Transmettez de votre mieux ce bouddhisme aux autres, ne serait-ce qu'un seul mot ou une simple phrase. Nam Myôhô Rengué Kyô, Nam Myôhô Rengué Kyô,

Avec mon profond respect,
Nichiren

Le dix-septième jour du cinquième mois

Post-scriptum :
Je vous ai déjà envoyé par écrit beaucoup de point importants de ma doctrine. Ceux que je vous ai révélés dans cette lettre sont d'une importance toute particulière. N'y a-t-il pas entre nous un lien mystique ? Ne seriez-vous pas l'un des Quatre Bodhisattvas sortis de la Terr, conduits par Jôgyô, suivi de bodhisattvas aussi nombreux que les grains de sable du Gange ? Il doit sûrement y avoir une raison profonde à ce lien.
Je vous ai donné certains de mes enseignements les plus important concernant ma vie et ma pratique.
Nichiren est peut-être l'un de ces innombrables bodhisattvas sortis de la Terre car je récite Nam Myôhô Rengué Kyô avec le désir de guider tous les hommes et toutes les femmes du Japon. C'est bien ce qu'exprime la phrase du Sutra : "Parmi les bodhisattvas, il sen trouve quatre qui guident cette multitude : le premier s'appelle Jôgyô (le second, Muhengyô, le troisième Jyôgyô, et le quatrième Anryûgyô). Ce sont les quatre guides suprême." (Sûtra du Lotus, chap 15). Notre lien profond par le passé a fait de vous l'un de mes disciples. Conservez absolument tout cela pour vous-même. Nichiren a, dans cette lettre, formulé la doctrine de son propre Eveil. Je m'arrêterai là.

lundi 12 septembre 2011

Lettre à Konicho-bô

Cette lettre fut écrite en mars 1276 et envoyée du mont Minobu à Konichi-bô, une veuve qui vivait à Amatsu dans la province d'Awa. Son fils, Yashirô, s'était converti quelques année plus tôt au bouddhisme de Nichiren Daïshonin et, par son intermédiaire, elle s'étaient aussi convertie. Pendant que Nichiren Daïshonin était en exil sur l'île de Sado, elle lui envoya des kimonos et divers autres présents, et continua à lui faire des dons une fois qu'il se fut retiré au mont Minobu. Elle bénéficiait de la confiance de Nichiren Daïshonin qui lui adressa plusieurs lettres, au nombre desquels "Sur le comportement du Bouddha".
Peu de temps après sa conversion, Yashirô mourut. Cette lettre est la réponse de Nichiren Daïshonin à une lettre de Konichi-bô exprimant son angoisse à l'idée que son file, un samouraï, avait causé mort d'hommes, et lui demandant ce qu'il adviendrait de lui dans la vie prochaine.

" Dans le neuvième mois de la huitième année de Bun'ei (1271), quand le marqueur inverse de Jupiter était au ciel sous le signe cyclique "kanoto-hitsuji", j'ai encouru la disgrâce des autorités et j'ai été envoyé en exil à Sado, une île dans la mer du nord. Lorsque je vivais à Kamakura, dans la province de Sagami, j'avais une certaine nostalgie de la province d'Awa, celle où je suis né. Mais bien que ce fût ma région natale, pour une raison ou pour une autre, j'avais du mal à me sentir proche des gens du pays et je m'y rendait donc rarement. Puis j'ai été arrêté et condamné à mort, mais au lieu d'être exécuté, j'ai été banni (de la province de Sagami). Puisque j'étais expulsé loin de ma région, il semblait peu probable, à moins d'événements extraordinaires, que je puisse retourner à Kamakura. Je ne pourrais donc jamais plus me rendre sur la tombe de mes parents. En pensant à cela, j'éprouvais des remords tardifs. Je me demandais, le coeur empli de regrets, pourquoi, avant de me trouver dans cette situation, même s'il avait fallu pour cela traverser mer et montagnes, je n'avais pas été, sinon chaque jour, au moins une fois par mois, prier sur la tombe de mes parents et m'enquérir de la santé de mon maître.
Sou-wou fut prisonnier des barbares du Nord pendant dix-neuf ans, et chaque fois qu'il voyait passer un vol d'oies allant vers le sud, il les enviait. Nakamaro fut envoyé en Chine comme émissaire de l'empereur du Japon. Mais les années passèrent sans qu'il obtienne l'autorisation de retourner dans son pays. A chaque fois qu'il apercevait la lune à l'est, il se consolait en pensant que cette même lune devait briller au-dessus du mont Mikasa dans sa province natale, et que les gens de là-bas, au même moment, devait l'admirer.
J'étais moi aussi en proie au même sentiment, lorsque, précisément, j'ai reçu de ma province natale le vêtement que vous m'avez fait parvenir par l'intermédiaire d'une personne qui se rendait à l'île de Sado. Une simple lettre attachée à la patte d'une oie sauvage suffit à Sou-wou le goût de la vie, alors que moi j'ai reçu ce vêtement ! Mes raisons de me réjouir sont incomparablement plus grandes que les siennes.
Les habitants du Japon sont sans cesse abusés par les moines du Nembutsu ou par les écoles Zen, Ritsu ou Shingon. Ainsi, en apparence ils font comme s'ils vénéraient le Sûtra du Lotus, mais dans leur coeur, ils n'y croient pas. Si bien que, lorsque moi, Nichiren, qui n'est pourtant pas commis le moindre crime, je proclame la supériorité du Sûtra du Lotus, ils me haïssent tous, de la même manière que, dans les Derniers Jours de la Loi du bouddha Ionnô, les gens haïssaient le bodhisattva Fukyô (bouddha mentionné dans le chapitre "Fukyô" (20ème) du Sûtra du Lotus). Tous, des personnes les plus haut placées jusqu'aux plus modestes, détestent le simple énoncé de mon nom et abhorrent la seule idée de me voir. Par conséquent, bien qu'innocent de tout crime, une fois exilé, il semblait peu probable que je fus pardonné. De plus, j'avais dénoncé le Nembutsu, que les habitants du Japon respectent plus que leurs propres père et mère, et placent plus haut que le soleil et la lune, comme la cause karmique qui conduit en enfer. J'avais attaqué le Zen en disant qu'il était l'oeuvre du démon, qualifié le Shingon d'hérésie qui provoquerait la destruction du pays, et (on rapportait que) j'avais incité à incendier les temples des écoles Nembutsu, Zen et Ritsu, et à décapiter les moines du Nembutsu. J'avais même été jusqu'à prétendre que (les deux nyudo de Saimyô-ji et Gokuraku-ji) Hôjô Tokyori et Hôjo Shigetoki étaient tombés dans l'enfer des souffrances incessantes. Telle était la gravité des accusations portées contre moi. Celui qui a proféré des paroles aussi infamantes à l'égard de personne de haut rang comme de basses conditions, même s'il reconnaissait son erreur, ne pourrait jamais plus retrouver un rang dans la société. Pire, je tenais des propos de ce genre du matin au soir et m'efforçais jour et nuit de prouver leur validité. J'avais aussi solennellement déclaré à Hei no Saemon, en présence de plusieurs centaines de ses hommes, que quelle que soit la punition encourue, je ne pourrais jamais cesser de réfuter ces écoles. C'est pourquoi on aurait plus facilement imaginé un énorme rocher tombé au fond de l'océan, trop pesant pour que mille personnes puissent le déplacer, remontant de lui-même à la surface de l'eau, ou la pluie tombant du ciel sans jamais toucher terre, que Nichiren ayant un jour la possibilité de revoir Kamakura.
Pourtant, j'ai conservé courage en pensant : "Si l'enseignement du Sûtra du Lotus est véridique et si le soleil et la lune ne m'abandonnent pas, je retournerai à Kamakura et je me rendrai sur la tombe de mon père et de ma mère." Montant au sommet d'une colline, j'ai crié d'une voix sonore : "Qu'est-il advenu de vous, Bonten, Taïshaku, soleil, lune, et de vous, les quatre rois du ciel ? Tenshô Daïjin et Hachiman, avez-vous quitté le pays ? Voulez-vous donc trahir l'engagement que vous avez pris devant le Bouddha et abandonner le Pratiquant du Sûtra du Lotus ? Même si vous ne tenez pas votre promesse, sachez bien que quoi qu'il m'arrive, je n'aurai aucun regret. Mais vous avez prêté serment devant Shakyamuni, Tahô (Maint-Trésor) et les bouddhas des Dix Directions. Si vous ne me protégez pas, si vous abandonnez Nichiren, ne faites-vous pas du Sûtra du Lotus, dans lequel est dit qu'il faut "sincèrement rejeter les enseignements préparatoires" (Sûtra du Lotus chap 2), un épouvantable mensonge ? Vous aurez trompé tous les bouddhas des Dix Directions et des Trois Phases de la vie, commis un crime encore plus grave que les mensonges ehontés de Devadatta et plus condamnable que les fourberies de Kokalika. Certes, vous êtes le Grand Bonten, qui vit au sommet du monde de la forme, ou le Taïshaku appelé "Dieu aux mille regards" résidant au sommet du mont Sumeru. Mais si vous abandonnez Nichiren, vous deviendrez des bûches qui s'en iront nourrir les flammes de l'enfer Avichi, et vous resterez à jamais prisonniers de la grande citadelle des souffrances incessantes. Si vous redoutez de commettre un tel crime, hâtez-vous de manifester par un signe votre présence dans le pays indiquant que mes enseignements sont corrects afin qu'il me soit permis de retourner dans ma région natale !"
Puis, au cours du onzième mois (de la même année), peu après mon arrestation, le douzième jours du neuvième mois, une rébellion éclata et le onzième jours du deuxième mois de l'année suivante, plusieurs généraux, puissants protecteurs du Japon, furent exécutés sans raison apparente. Il devint évident que c'était une punition du ciel. Probablement ébranlées par cet incident, les autorités shogunales ont libéré mes disciples emprisonnés.
Pourtant je n'étais pas encore moi-même grâcié. J'ai donc continué à adresser au ciel des prières de plus en plus véhémentes. Puis, un jour, j'ai vu voler un corbeau à tête blanche. Le prince Tan, du pays de Yen avait été libéré après avoir vu une licorne et un corbeau à tête blanche. Je me suis souvenu du poème écrit par le moine Nichizô : "Même la tête du corbeau des montagnes / Est devenue blanche. / Le moment de rentrer chez moi / Doit être venu." J'étais donc convaincu que désormais je n'aurais plus à attendre ma libération très longtemps. En effet, une lettre de pardon, datée du quatorzième jour du deuxième mois de la onzième année de Bun'ei (14 février 1274), m'est parvenue le huitième jour du troisième mois sur l'île de Sado.
Je quittai mon lieu de résidence (sur l'île de Sado) le 13 du même mois, et fis escale au port de Maura, le 14 ; le 15, j'aurais dû être à Teradomari, dans la province d'Echigo, mais un grand vent empêcha mon navire d'arriver au port. Mais heureusement, après deux jours en mer, nous sommes arrivés à Kashiwasaki. Le lendemain, je me trouvais au siège provincial d'Echigo. Ainsi au terme d'un voyage de douze jours, le vingt-sixième jour du troisième mois, je suis arrivé à Kamakura. Le huitième jour du quatrième mois de la même année, j'eu un entretien avec Hei no Saemon. Dans le seul but de sauver le Japon de la destruction, j'ai fait des remontrances aux autorités à trois reprises. Mais elles n'en n'ont tenu aucun compte. En me pliant à la tradition qui veut que celui dont les avis ont été par trois fois ignorés se retire dans la montagne, J'ai quitté Kamakura le douzième jour du cinquième mois de la même année (12 mai 1274).
J'avais pensé alors à retourner dans mon pays natal pour me rendre de nouveau sur la tombe de mon père et de ma mère. Mais les enseignements, bouddhiques aussi bie que non bouddhiques, disent que, si l'on veut retourner dans son pays natal, ce doit être en costume d'apparat. Rentrer au pays natal sans avoir rien réalisé dont on puisse être fier, n'est-ce pas manquer à son devoir de piété filiale ? Et puisque j'avais surmonté un obstacle qui semblait infranchissable en ayant pu rentrer à Kamakura, j'ai pensé que, peut-être, un jour j'aurais l'occasion de rentrer chez moi de manière triomphale, et que j'attendrais cette occasion pour me rendre sur la tombe de mes parents. Parce que c'était là ma décision profonde, je ne suis toujours pas retourné dans mon pays natal. Mais j'ai tellement le mal du pays que si l'on me dit que le vent qui souffle vient de l'est, je me précipite hors de chez moi pour le palper. Si l'on me dit que les nuages dans le ciel s'en vont vers l'est, je sors dans le jardin pour les regarder passer. C'est un sentiment si fort qu'il m'amène à regretter même des personnes qui ne m'ont témoigné aucune sympathie particulière, simplement parce que nous sommes originaires de la même province.
Imaginez alors mon émotion et ma joie en recevant votre lettre ! Je l'ai ouverte en toute hâte et j'ai lu : "Mon fils Yashiro nous a quitté, il y a deux ans, le huitième jours du sixième mois..." J'étais au comble de la joie avant d'ouvrir cette lettre, mais, après avoir lu ces mots, j'ai regretté de l'avoir ouverte avec tant de précipitation. J'ai compris quel regret dut éprouver Urashima no Ko en ouvrant son coffre.
Je ne suis jamais indifférent au sort des personnes originaires de ma région et je me préoccupe toujours de ce qui leur advient, même si elles m'ont causé des tourments ou traité avec froideur. Mais votre fils Yashiro, par son allure, se distinguait des autres et j'avais été tout particulièrement frappé par son attitude où on ne décelait aucune forme d'entêtement. Il faisait parti d'un groupe auquel j'enseignais le Sûtra du Lotus (quand je l'ai vu pour la première fois). De nombreux inconnus étaient présents et je ne lui ai pas parlé. L'exposé fini, tous mes auditeurs sont partis et votre fils a quitté les lieux avec eux. Mais, un peu plus tard, il m'a envoyé un messager chargé de me dire en son nom : "Je suis originaire d'Amatsu, dans la province d'Awa. Depuis l'enfance, j'ai le plus grand respect pour votre dévouement. Ma mère aussi a pour vous la plus grande estime. Pardonnez la liberté que je prends en m'adressant à vous aussi familièrement, mais j'aimerais vous demander conseil en privé. Je sais que je devrais attendre que nous nous soyons vus plusieurs fois, et que nous nous connaissions mieux. Mais, comme je suis au service d'un samouraï, mon temps est limité, et il m'arrive quelque chose d'important. C'est pourquoi, tout en étant pleinement conscient de mon impolitesse, j'aimerais que vous acceptiez de me rencontrer."
(C'est de cette manière courtoise qu'il a sollicité mon avis.) Et comme c'était un garçon de mon pays, je l'ai invité chez moi en lui disant qu'il était nul besoin de tant de cérémonies. Il m'a parlé longuement de ce qui s'était passé jusqu'au moment de notre rencontre, du passé et de l'avenir. Puis il m'a dit : "Rien n'est permanent en ce monde. Personne ne peut connaître le moment de sa mort. De plus, je mène la vie d'un samouraï et je dois relever un défi de me battre qui m'a été récemment lancé. Mais je redoute ce qui se passera après ma mort. Je vous supplie de m'aider."
Je lui ai exposé des passages de sûtra. Alors, Yashiro m'a dit avec tristesse : "(Je ne peux rien faire pour) mon père (qui) est déjà décédé. Mais je pense que précéder dans la mort ma mère qui est veuve serait un grave manque à la piété filiale. Si quelque chose m'arrivait, demandez à l'un de vos disciples de se rendre auprès d'elle pour la réconforter." C'est ainsi qu'il m'a présenté cette requête avec politesse. Ai-je raison de supposer qu'à ce moment là rien de malencontreux ne s'est passé mais que par la suite un évènement lui a coûté la vie ?
Aucun être né sous forme humaine, qu'il soit de condition sociale basse ou élevée, ne peut échapper à la tristesse et au malheur. Mais les troubles varient avec le temps et diffèrent selon les personnes. Quelle que soit la maladie dont on souffre, au fur et à mesure qu'elle s'aggrave, on pense qu'aucune maladie ne peut être pire que la sienne. On peut connaître la souffrance des séparations : souffrir d'être séparé de son maître, de ses parents, de son mari, de sa femme, et il est impossible de dire que l'une de ces formes de séparation est moins douloureuse que les autres. On peut trouver un nouveau maître, ou se consoler d'une rupture en se remariant. Mais la douleur pour des parents d'avoir perdu un enfant semble s'aggraver avec le temps. Même s'il est toujours douloureux pour des enfants de perdre leurs parents, que les parents meurent et que les enfants continuent à vivre, telle est la loi de la nature. Mais quelle tristesse lorsqu'une mère âgée est précédée dans la mort par son enfant ! Il y a de quoi reprocher leur injustice aux divinités et aux bouddhas. Pourquoi la mort ne vous a-t-elle pas pris à la place de votre enfant ? Pourquoi avez-vous dû lui survivre si c'est pour endurer une telle souffrance ? C'est véritablement insupportable.
Même les animaux dont l'intelligence est limitée ne supportent pas d'être séparés de leurs petit. La faisane dorée du bois des bambous se jeta dans les flammes et mourut pour protéger ses oeufs. Le cerf du parc aux gazelles s'offrit lui-même au roi pour protéger les faons qu'une biche portait encore dans son ventre. Combien plus fort encore l'amour pour leurs enfants doit-il être chez les êtres humains dotés d'une conscience ! Ainsi, la mère de Wang Ling s'est brisée le crâne pour éviter le désonheur à son fils. L'épouse de l'empereur Chen Yao s'est ouvert le ventre pour le bien d'un prince qui n'était pas encore né. En pensant à tout cela, j'imagine que vous n'hésiteriez pas à plonger dans les flammes ou à vous briser le crâne si cela vous permettait de revoir le visage de votre enfant. En imaginant votre douleur, je ne peux retenir mes larmes.
Dans votre lettre, vous dites : "Parce que mon fils a tué d'autres êtres humains, j'aimerais que vous me disiez en quel sorte de lieu il renaîtra dans sa vie prochaine." Une aiguille, posée sur l'eau, coule au fond ; et la pluie ne peut pas rester suspendue au ciel. Ceux qui tuent même une fourmi tomberont en enfer, et même ceux qui ne font que découper des corps morts ne peuvent éviter de tomber dans les mauvaises voies. Comment les conséquences d'avoir tué un être humain pourraient-elles ne pas être encore plus graves ? Pourtant, même un énorme rocher, si on le place sur un bateau, peut flotter sur la mer ; et l'eau ne peut-elle pas éteindre même un grand incendie ? Une faute, même légère, entraînera dans les mauvaises voies ceux qui ne s'en repentent pas. Mais, même un crime grave, si l'on s'en repent avec sincérité, peut être expié.
(Les exemples abondent). Un moine qui avait volé du millet renaquit sous forme de boeuf pendant cinq cents vies consécutives. Une personne, pour avoir volé de l'avoine, est tombée dans les Trois Mauvaises Voies. Plus de quatre-vingt mille rois, y compris Rama, Batsudai, Birushin, Nagosa, Katei, Bishakya, Gakkô, Kômyô, Nikkô, Ai et Jitanin, accédèrent tous au trône en assassinant leur père. Parce qu'ils ne parvinrent pas à rencontrer de bon amis bouddhiques, ils ne purent pas expier leurs crimes et tombèrent dans l'enfer des souffrances sans intermittence.
Dans la cité de Bénarès, vécut un homme extrêmement mauvais du nom d'Ajita. Il était tombé amoureux de sa propre mère et, pour faire d'elle sa femme, il avait tué son père. Quand un arhat, qui avait été le maître de son père, lui fit des remontrances, il tua cet arhat, et quand sa mère voulut prendre un aute homme pour mari, il tua cet homme et sa mère aussi. Ainsi, il avait commis trois des Cinq Fautes capitales. Honni par tous ceux qui l'entouraient, il n'avait plus nulle part où aller. Il se rendit donc au monastère de Jetavana et demanda à être admis dans l'Ordre, mais les moines ne voulurent pas de lui. Le mal, dans son coeur, devint encore plus envahissant, et il mit le feu à de nombreux monastères. Mais, pour finir, il rencontra le bouddha Shakyamuni qui l'autorisa à devenir moine.
Il y avait dans le nord de l'Inde une citée appelée Saiseki, gouvernée par un roi du nom de Ryûin. Ryûin tua son père, mais plus tard, horrifié par son acte, il quitta son pays pour se rendre auprès du Bouddha. Il exprima son repentir devant lui et le Bouddha lui accorda son pardon.
Le roi Ajatashatru était depuis sa naissance dominé par les Trois Poisons (Avidité, Colère, Ignorance) et commettaient sans cesse l'une ou l'autre des Dix Mauvaises Actions. De plus, il tua son père, tenta d'ôter aussi la vie à sa mère, et, prenant Devadatta pour maître, tua de nombreux disciples du Bouddha. Parce qu'il avait accumulé de mauvaises actions, un quinzième jour du deuxième mois, le même jour que celui de la disparition du Bouddha, des boutons purulents apparurent sur sept parties de de son auguste personne, présageant qu'il tomberait dans l'enfer des souffrances incessantes. Le roi connut des souffrances épouvantables. Il éprouvait la même douleur que s'il avait été précipité dans un grand feu ou plongé dans de l'eau bouillante. Ses six ministres proposèrent de faire appel aux six maîtres non bouddhistes pour le guérir de ses pustules. C'est tout à fait comparable aux habitants du Japon, de nos jours, qui considèrent les maîtres Zen et Ritsu, les moines du Nembutsu et du Shingon comme de bons amis bouddhiques et leur demandent de prier pour vaincre l'empire mongol et pour leur bonheur dans la vie prochaine. De plus, le premier maître du roi Ajatashatru, Devadatta, avait mémorisé les soixante mille enseignements non bouddhiques et les quatre-vingt mille enseignements bouddhiques. Sa compréhension du monde profane et du bouddhisme était aussi brillante que le soleil et la lune, aussi limpide qu'un miroir. Il était comparables aux savants de l'école Tendaï de nos jours qui connaissent par coeur tous les enseignements exotériques et ésotériques, et tous les sûtras. Parce que Ajatashatru était conseillé par de tels maîtres non bouddhistes et par ces ministres, il rejeta le bouddhisme. Et pour cette raison, dans le royaume de Magadha, des phénomènes étranges apparurent dans le ciel et des calamités sévirent sur la terre, typhons, sécheresse, famines et épidémies se succédant sans cesse. De plus, ce royaume fut attaqué par un pays étranger. Et à tout cela vint s'ajouter cette maladie qui couvrait le corps du roi de boutons purulents. Alors que son royaume semblait bien près de disparaître, le roi décida soudain de se rendre auprès du Bouddha, se repentit (de ses mauvaises actions) et il effaça ainsi les conséquences de ses crimes.
Quoiqu'il en soit, même si ses parents commettent le mal, lorsqu'une personne commet le bien, on pardonne leurs fautes à ses parents. Même si les enfants commettent le mal, lorsque leurs parents commettent le bien, on pardonne leurs fautes aux enfants. Par conséquent, même si votre fils défunt Yashirô commit de mauvaises actions, si vous, sa mère, vous en désolez pour lui et offrez jour et nuit des prières pour son repos au bouddha Shakyamuni, comment pourrait-il ne pas être sauvé ? Et puisqu'il avait foi dans le Sûtra du Lotus, ce sera plutôt lui qui servira de guide à ses parents.
Ceux qui croient au Sûtra du Lotus devraient se méfier des ennemis du Sûtra du Lotus et se protéger d'eux. Sachez bien que les adeptes du Nembutsu, ceux qui observent les préceptes, et les maîtres du Shingon, en fait tous ceux qui refusent de réciter Nam Myôhô Rengué Kyô, doivent être considérés comme des ennemis du Sûtra du Lotus, si attentivement qu'ils lisent le Sûtra. Lorsque l'on ne connaît pas son ennemi, on se laisse tromper par lui. J'aimerais parler de tout cela en détail avec vous de vive voix. Chaque fois que vous verrez Sammi-bô ou Sado-kô, demandez-leur de vous lire cette lettre. Confiez la à Myôe-bô. Ceux qui manquent de sagesse se moqueront sans doute de moi et critiqueront cette lettre en n'y voyant qu'une habile arguentation, ou ils me compareront à d'autres en disant : "Ce moine ne peut pas être l'égal du grand maître Kôbô ou supérieur au Grand Maître Jikaku !" Considérez ceux qui tiennent de tels propos comme des personnes qui ne comprennent pas le bouddhisme.

Nichiren,

Ecrit le troisième mois de la deuxième année de Kenji (1276), signe cyclique "hinoe-ne", dans les montagnes du domaine d'Hakiri dans la partie sud de la province de Kai.



Dix Actions Mauvaises : mauvaises actions énumérées dans le Kusha Ron. Ce sont les trois mauvaises actions physiques de tuer, voler et avoir des relations sexuelles illégitimes ; les quatre actions verbales de mentir, flatter (ou tenir des propos irresponsables) calomnier et tromper ; et les trois mauvaises actions mentales que sont l'avidité, la colère et l'ignorance.

mardi 19 juillet 2011

L'accouchement facile d'un enfant de bonne fortune

Nichiren Daïshonin écrivit cette lettre le 7 mai 1271. Elle est adressé à Nichigen-nyo, la femme de Shijô Kingo. C'est le plus ancien des nombreux documents connus à ce jour envoyés à la famille Shijô. Au moment où elle a été écrite, Nichiren Daïshonin vivait Kamakura.

J'ai appris que vous alliez bientôt donner naissance à un enfant. Puisque vous m'avez demandé un "gohifu" (pour faciliter votre accouchement) j'en ai préparé un, choisi par ceux qui m'ont été transmis. (Toutefois pour qu'il produise un effet bénéfique) il faut que vous ayez une forte croyance. Même un médicament d'une efficacité très rare aura très peu d'effet si l'on y mélange du poison. De quel utilité peut être un sabre, si l'on a peur de s'en servir ? Vous et votre mari, tout particulièrement, êtes des pratiquants du Sûtra du lotus. Vous aurez certainement un enfant précieux qui continuera après vous à planter la graine de la propagation du Sûtra du Lotus. Comme c'est magnifique ! Cet enfant héritera à la foi des aspects physiques et spirituels de votre vie. Comment pourriez-vous tarder à accoucher ? Très certainement, votre accouchement sera facile. Si vous prenez ce "gohifu", cela ne fait aucun doute. Les ténèbres se dissipent lorsqu'on allume une lampe et même une eau boueuse s'éclaire lorsque la lune s'y reflète.
Que peut-il y avoir de plus brillant que le soleil et la lune ? De plus pur que la fleur de lotus ? Le Sûtra du Lotus est comparable au soleil, à la lune et à la fleur de lotus. C'est pourquoi on l'appelle Myôhô Rengué Kyô (le Sûtra de la Loi merveilleuse du lotus). Nichiren également peut être comparé au soleil, à la lune et à la fleur de lotus.
Si l'eau de la foi d'une personne est claire, immanquablement, la lune des bienfaits s'y reflète et les divinités la protègent. Soyez certaine que votre accouchement sera facile. Il est dit dans le Sûtra du Lotus : "Une Loi aussi merveilleuse...(Chap 2) et ailleurs : "En accouchant de manière paisible, elles donneront naissance à un enfant de bonne fortune" (Chap 19). J'ai transmis oralement à Benkô en détail les instructions concernant "gohifu". Ainsi, il est l'envoyé du Bouddha. Renforcez votre foi.
(La divinité du soleil) Amaterasu ô mikami fit don d'un joyau à Susanoo no Mikoto (le dieu des tempêtes) grâce auquel il obtint un garçon précieux. C'est pourquoi elle le considéra comme son propre enfant et lui donna le nom de Masaya Akatsu (véritable conquérant). Parce que moi, Nichiren, j'ai donné (à votre enfant) la graine pour une naissance facile, comment pourrais-je le considérer autrement que comme mon propre enfant ? Il est dit dans le Sûtra du Lotus qu'il existe un joyau aussi précieux que tout un système de mondes majeur (Chap 12). Et on y lit aussi : "Nous avons obtenu le suprême monceau de joyaux sans l'avoir cherché." (Chap 4). Le bouddha Shakyamuni déclara : "Tous les êtres humains (qui vivent dans le Monde des Trois Plans) sont mes propres enfants." (Chap 3). Les intentions de Nichiren ne diffèrent en rien de celles que le Bouddha exprime dans tous ces passages. Quelle joie immense (que la naissance imminente de votre enfant) ! Quel bonheur ! Quel bonheur ! Je vous écrirai à nouveau dès que je le pourrai.

Avec mon profond respect,

Nichiren.

"Gohifu" : une sorte de remède donné par Nichiren Daïshonin dans certaines circonstances particulières, ayant des vertus à la fois protectrices et curatives.

L'accouchement facile d'un enfant de bonne fortune

jeudi 5 mai 2011

Enfer et Boddhéité

Nichiren Daïshonin écrivit cette lettre du Mt Minobu, le 11 juillet 1274. Elle est adréssée à la mère de Nanjo Tokimitsu, un fidèle croyant.

"J'ai bien reçu vos nombreux dons. Depuis le décès du Seigneur Uéno, j'aimerais apprendre qu'il vous a rendu visite, mais je sais bien que c'est impossible. Sauf en rêve, vous ne pouvez voir son visage. S'il apparaissait, ce ne pourrait être qu'un mirage. Pourtant, ne craignez rien : votre défunt mari se trouve sans aucun doute sur la terre pure du pic du vautour, d'où il écoute et regarde ce monde saha (monde de l'endurance) jour et nuit. Vous, son épouse, et vos enfants, avec les yeux de simples mortels, ne pouvez pas le voir ; vous ne pouvez non plus pas l'entendre ; soyez cependant certaine que vous serez finalement réunis au pic du vautour.
Au cours de toutes vos vies passées, vous avez dû partager des liens de mariage avec autant d'hommes qu'il y a de grains de sable dans l'océan. Pourtant, l'homme avec qui vous étiez mariée dans cette vie est votre véritable époux. Car c'est lui seul qui vous a conduite à pratiquer les enseignements du Sûtra du Lotus. Vous devez le respecter comme un bouddha. En vérité, il était déjà bouddha de son vivant et maintenant, il est toujours bouddha. Sa boddhéité transcende pareillement vie et mort. C'est le sens du principe profond de "sokushin jôbutsu", (atteindre la boddhéité sans changer d'apparence). Dans le quatrième volume du Sûtra du Lotus il est dit : "Celui qui pratique ce sûtra possède le corps du Bouddha."
Ni la Terre pure ni l'enfer n'existent en dehors de nous-même ; ils se trouvent dans notre propre poitrine. On appelle bouddha celui qui s'éveille à cette vérité, celui qui l'ignore, simple mortel. Le Sûtra du Lotus nous eveille à cette réalité et celui qui croit dans le sûtra du Lotus découvrira que l'enfer même peut se changer en terre de Bouddha.
Même si l'on pratique les enseignements préparatoires depuis d'innombrables éons, si l'on s'écarte du Sûtra du Lotus, on ne pourra que tomber en enfer. Ce n'est pas moi, Nichiren, qui le sis ; c'est ce qu'affirme le bouddha Shakyamuni, et ce que confirmèrent le bouddha Tahô et toutes les émanations de Shakyamuni dans l'univers entier. Pratiquer les enseignements préparatoires, c'est être comme un homme déjà touché par les flammes qui s'enfonce de plus en plus profondément dans la fournaise, ou comme quelqu'un qui se noie et sombre au plus profond de l'eau. Ne pas croire au Sûtra du Lotus revient à se jeter dans le feu ou dans l'eau. Ceux qu'égarent de mauvais amis tels que Hônen, Kôbô et d'autres ennemis du Sûtra du Lotus, et qui croient dans les sûtras Amida ou Dainichi s'enfoncent toujours plus dans les flammes ou sombrent de plus en plus profondément dans l'eau. Comment pourraient-ils échapper aux souffrances ? Inévitablement, ils devront endurer l'effroyable chaleur des enfers "tokatsu", "kokujô" et "mugen" et l'insupportable froid des enfers "guren" et "daiguren". On lit dans le second volume du Sûtra du Lotus : "Après sa mort il tombera dans l'enfer des souffrances incessantes. (Il ne renaîtra au bout d'un éon que pour retomber en enfer, et) il répétera ce cycle pendant d'innombrables éons."
Votre défunt mari a échappé à ces souffrances car il fut un bienfaiteur de Nichiren, le Pratiquant du Sûtra du Lotus. Il est dit dans le Sûtra : Même s'ils tombent dans un grand feu, ils ne seront pas brûlés...Si une inondation les emporte, en récitant le titre (de ce Sûtra), ils parviendront immédiatement dans des eaux peu profondes." (chap 25). Il est dit encore : "La bonne fortune du Pratiquant ne peut être ni consumée par le feu, ni emporté par l'eau." (chap 23). Quoi de plus rassurant !
Vous imaginez peut-être que l'enfer, les barres de fer de ses gardiens ou les ordres hurlés par les "Abôrasetsu" se trouvent en quelque lieu lointain, mais il n'en est rien. Cet enseignement est d'une importance primordiale, mais je vous le transmets, tout comme le bodhisattva Monju révéla à la fille du roi-dragon le principe secret de "sokushin jôbutsu", (que l'on peut atteindre la boddhéité sans changer d'apparence). Lorsque vous aurez entendu cet enseignement, fortifiez toujours plus votre foi. Ceux qui redoublent d'efforts dans leur pratique chaque fois qu'ils entendent les enseignements du Sûtra du Lotus recherchent véritablement la voie. (Quand) T'ien-t'ai disait : "Tirer de l'indigo un bleu encore plus profond" (Maka Shikan, vol 1), il voulait dire que ce qui est teint avec de l'indigo devient plus bleu que l'indigo lui-même. Pour nous le Sûtra du Lotus est l'indigo et l'intensité croissante de notre pratique est "un bleu encore plus profond".
On utilise parfois les deux caractères qui forment le mot "jigoku" (enfer) pour désigner l'action de creuser un trou dans le sol. Ne creuse-t-on pas toujours un trou pour celui qui est mort ? C'est ce que l'on appelle "l'enfer". Les flammes qui réduisent son corps en cendres sont les feux de l'enfer des souffrances incessantes. Son épouse, ses enfants et les parents qui conduisent en hâte le mort à sa sépulture sont les gardiens de l'enfer, les "Aborasetsu". Les pleurs de sa famille sont les cris des gardiens de l'enfer. Le bâton de marche du défunt, de moins d'un mètre, est la barre de fer qui le torture en enfer. Les chevaux et les boeufs qui transporte le mort sont les démons à tête de cheval et de boeuf et la fosse elle-même est l'enfer des souffrances incessantes. Les quatre-vingt-quatre mille chaudrons qui torturent le mort sont les quatre-vingt-quatre mille désirs terrestres. Le défunt quittant sa maison se dirige vers la montagne de la mort, tandis que la rivière au bord de laquelle ses enfants aimants demeurent, attristés, est la Rivière aux trois passages. Il est inutile de chercher l'enfer ailleurs.
Pourtant, ceux qui croient au Sûtra du Lotus peuvent transformer tout cela. (Pour eux) l'enfer se change en terre de la lumière éternelle, les feux dévorant de la souffrance se changent en la torche d'un bouddha doté du corps de la sagesse ; le défunt devient un bouddha doté du Corps de la Loi ; et la fournaise devient la demeure où le Bouddha, sous l'aspect du corps de l'action, manifeste son immense compassion. De plus, le bâton du principe de "Myôhô jisso" (la Loi merveilleuse équivaut à tous les phénomènes), la rivière aux trois passages devient l'océan du principe de "shoji soku nehan" (les souffrances de la vie et de la mort mènent au nirvana) et la montagne de la mort devient le grand sommet du principe de "bonnô soku bodaï" (les désirs mènent à l'Eveil). (En pensant à votre époux) soyez-en absolument convaincue. Prendre conscience de tout cela, c'est atteindre l'éveil sans changer d'apparence, et s'eveiller à cela, c'est ouvrir l'oeil intérieur de la sagesse du Bouddha. Devadatta changea l'enfer des souffrances incessantes en Terre de la béatitude parfaite et de la lumière eternelle et la fille du Roi-dragon parvint elle aussi à la boddhéité sans changer d'apparence. Car le Sûtra du Lotus permet d'atteindre l'Eveil même à ceux qui se sont tout d'abord opposés à lui. C'est le bienfait contenu dans le seul caractère "Myô".
Le bodhisattva Nagarjuna écrivit :"Le Sûtra du Lotus est comme un grand médecin qui change le poison en remède." Miao-lo déclara : "Comment serait-il possible de trouver la Terre de la lumière éternelle ailleurs qu'à Boddh-Gaya ? (lieu de l'éveil du Bouddha Shakyamuni) Notre monde "saha" (endurance) n'existe pas en dehors de la terre de bouddha". Il dit aussi : "L'entité réelle se révèle immanquablement dans tous les phénomènes, et tous les phénomènes possèdent immanquablement les Dix Modalités. Les Dix Modalités opèrent immanquablement dans les Dix Etats, et les Dix Etas caractérisent immanquablement à la foi la vie et son environnement." (Kongôbei Ron) On lit dans le Sûtra du lotus : 'L'entité réelle de tous les phénomènes ne peut être comprise et partagée que par les bouddhas. Ses modalités sont l'apparence, la nature... et leur cohérence du commencement jusqu'à la fin." Dans le chapitre Juryô (durée de vie), il est dit: "Le temps est sans limite ni borne...depuis que j'ai réellement atteint la boddhéité." Ici "je" représente tous les êtres humains dans les Dix Etats. Tous les êtres humains dans les Dix Etats possèdent de manière inérente, l'état de bouddha ; ils habitent donc dans la Terre Pure. Il est dit dans le chapitre Hôben (Moyens) : "Les phénomènes sont des manifestations de la Loi et les aspects changeants du monde sont par essence eternels." Vie et Mort sont les manifestations constantes de la vie eternelle qui se poursuit à travers les Trois Phases de l'existence, passé, présent et futur. Il n'y a aucune raison ni de s'en plaindre, ni de s'en étonner. "So" (l'aspect apparent) équivaut à "hatchi so", les Huit Phases de l'existence d'un bouddha. Et les Huit Phases de l'existence d'un bouddha elles-mêmes sont soumises à la loi de la naissance et de la mort. S'éveiller à cette vérité, c'est cela atteindre la boddhéité en tant que simple mortel par la pratique du Sûtra du Lotus.
Puisque votre défunt mari était un pratiquant de ce Sûtra, il est certain qu'il a atteint la boddhéité. Cela ne devrait pas être un grand motif de chagrin. Mais il est naturel d'éprouver du chagrin lorsqu'on est simple mortel. Même les sages ressentent parfois de la tristesse. Lorsque le bouddha Shakyamuni disparut, ses principaux disciples, qui étaient pourtant éveillés à la réalité de la vie, manifestèrent leur chagrin.
Voulaient-ils montrer ainsi qu'ils étaient eux aussi de simples mortels ?
Priez de tout votre coeur pour le défunt. Ces paroles d'un ancien sage : "Dirigez votre esprit vers la neuvième conscience en vous appuyant, dans votre pratique sur les six consciences" sont en vérité très justes. Cette lettre contient l'un des enseignements les plus profonds de Nichiren. S'il vous plaît, gardez le précieusement pour vous.

Avec tout mon respect,
Nichiren."

Les Dix Modalités d'expression de la vie : l'apparence, la nature, l'entité, le pouvoir, l'influence, la cause inhérente, la cause externe, l'effet latent, la rétribution, et leur cohérence du commencement jusqu'à la fin.

Les Dix Etats de vie : l'enfer, l'animalité, l'avidité, la colère, la tranquilité, le bonheur temporaire,
l'étude, l'éveil par soi-même, l'état de bodhisattva et l'état de bouddha.

vendredi 29 avril 2011

Merci à toutes et à tous !

Plusieurs personnes m'ont écrit, anonymement, pour me remercier de mon blog, je leur en suis reconnaissante, c'est super sympa !

Aujourd'hui je publie une lettre écrite à Hôjô Yagenta, à Kamakura, le 21 février 1274, lors de son exil à l'île de Sado : "Les sabres du bien et du mal"

Nichiren est la personne la plus perverse du Japon. Voici pourquoi : il proclame que, parce que les hommes vénèrent Amida, Daïnichi , Yakushi et d'autres bouddhas, plus encore que leurs parents et seigneurs, les Trois Calamités et le Sept Désastres se déchaînent avec plus de violence qu'auparavant, et les désastres naturels n'ont jamais été plus terrifiants. Je ne cesse de leur rappeler que non seulement ils courront à leur propre perte et détruiront le pays en cette vie, mais aussi qu'ils tomberont dans les profondeurs de l'enfer au cours de leur vie prochaine. C'est ce qui m'a valu cette persécution.
On pourrait me comparer aux insectes volant vers la flamme, ou à une souris se précipitant dans les griffes d'un chat. Je suis comme un animal qui, tout en se sachant en danger, refuse d'en tenir compte ! Pourtant c'est en pleine connaissance de cause que je risque ma vie. Voilà pourquoi, moi, Nichiren, suis une personne perverse.
Mais il est vrai aussi que l'on brise les pierres pour le joyau qu'elles contiennent. Les daims sont tués pour leur chair et leur peau, les poissons pour leur saveur, le martin-pêcheur pour ses plumes splendides. Et une femme de grande beauté suscite invariablement l'envie. Nichiren se trouve dans une situation analogue. Etant le Pratiquant du Sûtra du Lotus, il a subi toutes sortes de persécutions de la part des Trois Grands Ennemis. Comme il est merveilleux que vous soyez malgré tout devenu le disciple d'un tel homme ! Un lien semblable au nôtre est sûrement motivé par une raison profonde. Faites tous les efforts possibles pour approfondir votre foi, et pour atteindre la terre pure du Pic du Vautour.
J'ai reçu vos deux sabres, l'un long et l'autre court, que vous avez offerts pour la prière. Le sabre long est certainement l'oeuvre d'un armurier renommé ; il vaut probablement les sabres d'Amakuni, d'Onikiri et de Yatsurugi, ou ceux de Kan-tsiang et Mo-y'e en Chine. Vous en avez fait don au Sûtra du Lotus. Un tel sabre entre vos mains était une arme au service du mal. Mais, maintenant que vous l'avez offert au Bouddha, il est devenu une arme pour le bien, comme un démon qui adopterait la foi bouddhique. Comme c'est étrange et merveilleux ! Dans la vie prochaine, ce sabre devrait vous servir de bâton de marche. Le Sûtra du Lotus est le bâton sur lequel s'appuient tous les bouddha des trois phases de la vie pour entrer sur la voie de l'Eveil.
Vous devriez vous appuyer sur Nichiren comme sur votre bâton. Avec un bon bâton, on ne peut pas tomber, même sur les périlleux sentiers de montagne ou sur les mauvaises routes. Et, tenu par la main, on ne trébuche jamais. Nam MyôHô Rengué Kyô sera le bâton indestructible qui vous permettra de gravir en toute sécurité la montagne de la mort. Le bouddha Shakyamuni, et le bouddha Tahô et les quatre bodhisattvas conduits par Jôgyô, vous prendront par la main au cours de ce voyage. Si Nichiren meurt avant vous, je viendrai à votre rencontre. Si vous deviez mourir avant moi, je ne manquerai pas de parler de vous au roi Emma. Tout ce que je vous dis est vrai. Selon le Sûtra du Lotus, Nichiren est le guide sur la voie difficile de l'Eveil. Consacrez-vous de tout coeur à la foi, afin d'atteindre le Pic du Vautour.
L'argent sert à des fins différentes, selon les besoins. Il en est de même du Sûtra du Lotus. Il se fait lanterne dans l'obscurité ou bateau pour une traversée. Il sera parfois eau, parfois feu. Ainsi le Sûtra du Lotus nous garantit "paix et sécurité dans cette vie, et des conditions favorables dans la vie prochaine (Sûtra du Lotus, chap 5).
Parmi toutes les régions du Japon, c'est dans la province d'Awa que Nichiren est né. On dit que la divinité du soleil, découvrant le Japon, s'installa d'abord en ce lieu. Son sanctuaire se trouve à Awa. Elle est le parent bienveillant de tout le pays. Aussi cette terre doit-elle avoir une signification profonde. Quelle destinée valut à Nichiren de naître en cette province ? Il ne pourrait y avoir de meilleure rétribution. Mais ce n'est pas le point essentiel de cette lettre ; aussi n'entrerai-je pas dans les détails. Vous devriez réfléchir à cela. Je prierai les divinités de tout mon coeur. Conservez une foi solide afin de réaliser vos désirs et partagez avec votre femme tout ce que je vous ai dit.

Avec mon profond respect,

Nichiren.

dimanche 27 mars 2011

Réponse à Nichigon-ama

Nichiren Daïshonin écrivit cette lettre du mont Minobu, en 1280, alors qu'il était âgé de cinquante-neuf ans, en réponse à l'une de ses disciples, Nichigon-ama, qui lui avait envoyé une prière écrite avec des offrandes.

"Le huitième jour du onzième mois de la troisième années de Kôan (1280), j'ai placé devant le Sûtra du Lotus la requête écrite par laquelle vous, Nichigon-ama, exprimez votre prière, ainsi que votre offrande d'un kan de pièces de monnaie et d'une robe sans doublure en fibres d'écorce tissées, et j'en ai déjà fait part aux divinités du soleil et de la lune. De plus , ne vous hasardez pas à calculer (les bienfaits du Gohonzon). Que votre prière soit exaucée ou pas dépend de votre foi ; (si elle ne l'est pas) je n'en suis, moi, Nichiren, aucunement responsable.
Quand l'eau est claire, on peut y voir le reflet de la lune. Quand le vent souffle, les arbres se balancent. L'esprit des êtres humains est comparable à l'eau. Une foi faible est semblable à une eau boueuse, mais une foi résolue est comme une eau pure. Les arbres sont comme les principes (de toute chose), et la récitation du Sûtra est comparable au vent qui les fait bouger.
Vous devriez bien comprendre cela.

Avec mon profond respect,

Nichiren

Le vingt-neuvième jour du onzième mois.