Nichiren Daishonin écrivit cette lettre le 2 mai 1272 lors de son exil à l'île de Sado. Elle est adressée à Shijô Kingo, samouraï.
Je vous suis très reconnaissant de votre récente visite et de vos attentions, au milieu des nombreuses persécutions qui se sont abattues sur loi. C'est en tant que pratiquant du Sûtra du Lotus que j'ai rencontré ces grandes persécutions et je n'en éprouve pas la moindre rancoeur. Il ne pourrait y avoir de vie plus heureuse que la mienne, même au terme d'innombrables répétitions du cycle de la naissance et de la mort. (San ces souffrances), j'aurais pu rester dans les Trois ou Quatre Mauvaises Voies. Mais maintenant, à ma grande joie, je suis certain de rompre le cycle des souffrances de la vie et de la mort pour atteindre la boddhéité.
T'ien-t'ai et Dengyô ont subi des persécutions et suscité haine et jalousie, rien que pour avoir propagé l'ichinen sanzen théorique de l'enseignement provisoire (du Sûtra du Lotus). Au Japon, cet enseignement fut propagé et transmis successivement par Dengyô, Gishin, Encho, Jikaku et d'autres. Parmi les nombreux disciples du grand maître Jie, dix-huitième patriarche de l'école Tendai, les quatre principaux furent Danna, Eshin, Sôga et Zen'yu. A l'époque, cette école dispensait deux sortes d'enseignement : le révérend Danna transmettait la doctrine, et le moine Eshin se consacrait aux pratiques de méditation. La doctrine est comparable à la lune, et la pratique au soleil. Les études doctrinales sont superficielles, alors que les pratiques de méditation sont profondes. Les enseignements exposée par Danna étaient donc étendus mais superficielles, alors que les enseignements de Eshin étaient limités mais profonds.
L'enseignement que Nichiren propage maintenant peut paraître limité, mais il est en fait extrêmement profond. Il est plus profond encore que les doctrines de T'ien-t'ai et de Dengyô. Il révèle les trois points importants contenus dans le chapitre Juryô (durée de la vie) de l'enseignement (Les trois grandes Lois ésotériques, à savoir le véritable objet de vénération (le Daï Gohonzon), l'invocation de Nam Myôhô Rengué Kyô et le grand sanctuaire (le taïsekiji au Japon)). Pratiquer les sept caractères de Nam Myôhô Rengué Kyô peut sembler limité, mais, puisque cette Loi est le maître de tous les bouddhas des Trois Phases de la vie (passé, présent, futur), puisqu'elle instruit tous les bodhisattvas de l'univers, et puisqu'elle est le guide qui permet à tous les êtres humains d'atteindre le boddhéité, sa pratique est d'une profondeur sans égale.
Il est dit dans le Sûtra : "La sagesse de tous les bouddhas est infiniment profonde et incommensurable." (Sûtra du Lotus, chap 2). "Tous les bouddhas" désigne chaque bouddha dans l'univers et dans les Trois Phases de l'exisrence (passé, présent, futur) y compris le bouddha Dainichi de l'école Shingon et le bouddha Amida de l'école Jôdo. Cela désigne tous les bouddhas et tous les bodhisattvas sans exception de tous les s^tras ou toutes les écoles, du passé, du futur et du présent, y compris le bouddha Shakyamuni.
Il est question de sagesse. Mais qu'entend-on par "la sagesse" de tous les bouddhas ? C'est le principe de shôhô jisso (la véritable entité se manifete dans tous les phénomènes) que Shakyamuni expliqua par les Dix Modalités d'expression de la vie (afin de conduire tous les êtres à l'Eveil.) En quoi consiste ce principe ? C'est Nam Myôhô Rengué Kyô... T'ien-t'ai écrivit : "Le profond principe de jisso (la véritable entité) est la Loi originelle de Myôhô Rengué Kyo." La véritable entité manifestée dans tous les phénomènes est représentée par les deux bouddhas Shakyamuni et Tahô (Maints trésors) (assis côte à côte dans la tour aux trésors). Tahô représente tous les phénomènes et Shakyamuni , la véritable entité. Les deux bouddhas symbolisent également kyô (l'objet) et chi (le sujet), (ou la réalité et la sagesse). Le bouddha Tahô représente l'objet et Shakyamuni , le sujet. Bien qu'ils soient deux (en apparence), dans l'Eveil du Bouddha, ils ne font qu'un.
Ces enseignements sont de la plus grande importance. Ils impiquent que les désirs (illsions, troubles) mènent à l'Eveil et que les souffrances de la vie et de la mort mènent au nirvana. Réciter Nam Myôhô Rengué Kyo, meme pendant l'union sexuelle entre homme et femme, voilà le principe qui permet de changer les désirs en Eveil et les souffrances de la vie et de la mort en nirvana. Les souffrances ne deviennent le nirvana que si on réalise que l'entité de la vie humaine, à travers vie et mort, ne peut ni apparaître ni disparaître. Il est dit dans le sûtra Fugen : "M^me sans éteindre leurs désirs terrestres et sans supprimer les Cinq Désirs, ils parviennent à purifier tous leurs sens et à effacer toutes leurs mauvaises actions." On lit dans le Maka Shikan : "L'ignorance et la poussière des désirs mènent à l'Eveil et les souffrances de la vie et de la mort mènent au nirvana." Il est dit dans le chapitre Juryo (durée de la vie, Sûtra du Lotus) : "Je réfléchis sans cesse à la manière de conduire tous les hommes au chemein suprême pour qu'ils puissent atteindre la boddhéité sans délai". ; et dans le chapitre Hoben (les moyens, Sûtra du Lotus) : tous les phénomènes sont des manifestations de la Loi et sont par essence éternels." Cette Loi (de shôhô jisso) n'est autre que Nam Myôhô Rengué Kyô.
Ce Sûtra du Lotus si noble et si précieux, par le passé je l'ai piétiné, rejeté avec dégoût et j'ai refusé d'avoir foi en lui. Ou bien encore je me sujis cruellement moqué de ceux qui étudiaient le Sûtra du Lotus et qui l'enseignaient à ne serait-ce qu'une autre personne afin de transmettre ainsi la Loi pour l'avenir. Ou j'ai tout fait pour les dissuader d'avoir foi en ce Sûtra, en leur disant que sa pratique étaient peut-être bonne pour la vie prochaine mais qu'ils n'en tireraient aucun bienfaits dans cette vie-ci. Des actes d'opposition à la Loi de ce genre ont maintenant attiré sur moi les nombreuses et sévères persécutions que je rencontre en cette vie. Parce que j'ai autrefois dénigré le plus élevé des sûtras, je suis maintenant méprisé et l'on ne tient pas compte de ce que je dis.
On lit dans le chapitre Hiyu que (parce qu'une personne s'est opposé au Sûtra du Lotus par le passé) les autres n'auront aucune sympathie pour lui, même s'il fait des efforts sincères pour gagner leur amitiè.
En tant que pratiquant du Sûtra du Lotus, vous avez subi de graves persécutions, mais vous m'êtes quand même venu en aide. Dans le chapitre Hosshi, (le Bouddha déclare) : "Jenverrai des moines, des nonnes, des laïcs hommes et femmes (pour faire des offrandes à celui qui enseigne le Sûtra du Lotus et entendre l'enseignement de la Loi)." Si vous n'êtes pas l'un de ces laïcs, à qui d'autre ce passage pourrait-il s'appliquer ? Vous avez non seulement entendu la Loi mais vous avez eu foi en elle et vous l'avez suivie depuis sans vous en écarter. Comme c'est merveilleux ! Comme c'est extraordinaire ! Dès lors qui pourrait douter encore que Nichiren soit bien celui qui enseigne le Sûtra du Lotus ? Je concrétise (les mots du Sûtra) : "Il est l'envoyé du Bouddha. Il est celui qui accomplit "l'oeuvre" du Bouddha." (Sûta du Lotus, chap 10). J'ai propagé les cinq caractères du daïmoku qui furent confiés au bodhisattva Jôgyô alors que les deux bouddhas étaient assis côte à côte dans la tour aux trésors (Shakyamuni et Tahô). Cela n'indique-t-il pas que je suis l'envoyé du bodhisattva Jôgyô ? De plus, tout en suivant mon enseignement comme celui du Pratiquant du Sûtra du Lotus, vous faites également connaître cette Loi aux autres? N'est-ce pas précisément la transmission (de la Loi merveilleuse).
Conservez sans relâche votre foi dans le Sûtra du Lotus. Il est impossible d'obtenir du feu (avec des silex) si l'on s'arrête à mi-chemin. Faites surgir le grand pouvoir de la foi et soyez reconnu par tous les habitants de Kamakura et du reste du Japon comme "Shijo Kingo de l'école du Sûtra du Lotus". Une mauvaise réputation se répand très facilement. Une bonne réputation se répandra plus loin encore, surtout si c'est celle d'être dévoué au Sûtra du Lotus.
Expliquez tout cela à votre femme et oeuvrez en accord avec elle comme le soleil et la lune, comme les deux yeux d'une personne, ou les deux ailes d'un oiseau. Avec le soleil et la lune, comment peut-on sombrer dans les voies de l'obscurité ? Avec deux yeux, comment pourrait-on ne pas voir les visages de Shakyamuni, de Tahô et de tous les autres bouddhas de l'univers ? Avec une paire d'ailes, vous volerez et atteindrez en un instant la terre de Bouddha du bonheur éternel. Je vous écrirai plus en détail en une autre occasion.
Avec mon profond respect,
Nichiren.
lundi 6 avril 2009
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